Yidam Racine |
Par Lama Shérab NamdreulVue Pure au Lama Racine, Le bouddha-dharma ne se définit pas à proprement parlé par une méthodologie spécifique mais par la Vue de la vacuité. Une vacuité d'entité en l'esprit et en les phénomènes et qui s'affirme jusqu'en l'absence d'un état de bouddha (voir : pédagogie). Ainsi, au fil du temps, ce que l'on peut appeler le bouddhisme a pu assimiler des méthodologies venues de différents horizons traditionnelles, voire même religieux, par la simple gymnastique philosophique qui consiste à pouvoir associer la Vue à la Méthode. En ce qui concerne le tantrisme, qui se développa progressivement dans l'Inde entre le IVe et le XIIe siècle, cette Vue de la vacuité fut indispensable à son assimilation dans le bouddhsime. Déjà au IVe siècle avec le philosophe Asanga, la réthorique du Yogacharya était à même de rendre assimilable le tantrisme et les yogas essentiels avec la notion bouddhique de l'Éveil. Plus particulièrement, c'est la Vue Sahaja de la "co-émergence" et celle de la Vue "Shèn Tong" qui perrmettront à la science comtemplative du tantrisme d'intégrer la fonction de "Dharma intérieur" et rester dans le lignage du Bouddha Sakyamouni et de son enseignement originel. Ces Vues Sahaja et Shèn Tong sont significatives et explicites dans le tantra de Chakrasamvara de la lignée Shangpa et dans le tantra de Kalachakra de la lignée Jonang. Je considère le tantra bouddhique comme une véritable science contemplative* avec des rigueurs de contemplation qui ont pour seul but de dissiper les illusions cognitives et faire émerger les aptitudes de la conscience primordiale. Le bouddhisme a pu intégrer le tantrisme en marquant la divinité du sceau du Yidam Racine (co-émergence de clarté-vacuité). Le sceau du Yidam est la rigueur « racine » du tantrisme bouddhique. La syllabe Yi renvoie à la nature primordiale de la conscience et la syllabe "dam" signifie "lien". La Nature du Yidam Racine Le Yidam Racine est une Vue bouddhique sur la nature de la divinité. C'est en appréhendant la nature d'une divinité comme co-émergence de clarté-vacuité que l'on est un tantrika bouddhique. Le Yidam Racine est un Refuge (tib. kyab) dans le sens où son application dans la contemplation tantrique protège (tib. kyab) le tantrika de l'idôlatrie, du déisme, de l'exaltation et surtout des expériences d'ordre skyzoïde. En cela on peut concilier le double sens du terme "thérapeute"** : contempler et guérir. Une divinité est la représentation humanoïde d'une aptitude (intelligence) de la conscience éveillée. Le Yidam Racine est la Vue bouddhique placée sur cette représentation lors de sa contemplation. Quand le kyérim aboutit jusqu’à l’apparence claire de la représentation (divinité), ce sceau du Yidam n’est plus simplement une vue mais l’aptitude cognitive de reconnaître la co-émergence de clarté-vacuité. Comme il est dit dans les tantras : "On rencontre le Yidam Racine". On a fait lien (dam) avec la nature primordiale (yi) de notre conscience. On ne rencontre pas une divinité. Yidam Racine et transmission La contemplation tantrique bouddhique est à mes yeux un "art contemplatif" excellent pour réaliser le Sahaja. C’est l’art de l’illusion qui dissipe l’illusion. Le merveilleux qui accompagne le tantrisme fait partie de cet art contemplatif mais il doit être manié cependant avec raison et responsabilité. Pour s’appliquer à la contemplation tantrique, il est nécessaire de connaître le symbolisme des aspects de la visualisation de la divinité. Lors de l’initiation (sct. Abhikentsa, tib. Ouang Kour), le Lama Vajracharya introduit le disciple à la Vue Pure du mandala. Lors du commentaire (tib. Tri), le Lama introduit l'élève au symbolisme pur. La transmission par l’insufflance ou « Loung » donne autorité à l'élève au seul fait de réciter les termes de la sadhana même si nous n’avions aucune capacité à visualiser et à comprendre ce qui se dit. Initiation, Commentaire et Insufflance sont les trois transmissions spécifique du Tantrayana. L'initiation tantrique bouddhique est aussi bien sous la responsabilité du Vajracharya (tib. Dorjé Lopeun) que de l'élève tantrika. Si le premier se sait détenteur de la transmission et le second aspire à détenir une transmission, on se trouve dans les meilleurs conditions pour que la transmission puisse porter l'élève à maturité jusqu'à sa libération des voiles de l'esprit.
Notes * Au même titre que le judaisme, le soufisme, l'orthodoxie avec la rigueur de contemplatifs rationnels. ** […] « L'option de ces philosophes se marque aussitôt par le nom qu'ils portent : thérapeutes ou thérapeutrides est leur vrai nom, d'abord parce que la thérapeutique dont ils font profession est supérieure à celle qui a cours dans nos cités – celle-ci ne soigne que les corps, mais l'autre soigne aussi les âmes en proie à ces maladies pénibles et difficiles à guérir, que les plaisirs, les désirs, les chagrins […] et la multitude infinie des autres passions et des autres misères font s'abattre sur elles ». Philon d'Alexandrie |